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Deux mouvements parallèles
Il doit y avoir deux mouvements parallèles dans l'évolution d'un
être; et c'est parce qu'en général il néglige l'un ou l'autre de ces mouvements
pour concentrer son effort sur un seul, que sa marche est si cahotée, si peu
équilibrée.
Un de ces mouvements consiste en la prise de conscience de tous
les éléments constitutifs de l'être aussi bien maté- riels et sensoriels
qu'intellectuels et spirituels : il faut faire la connaissance du mécanisme de
la vie en soi, de toutes ses tendances, ses qualités, ses facultés, ses
activités diverses, très impartialement, c'est-à-dire sans idée préconçue de
bien ou de mal, sans jugement autoritaire, arbitraire (car nos jugements
manquent fatalement de clairvoyance) sur ce qui doit subsister et ce qui doit
disparaître, ce qui doit être encouragé et ce qui doit être étouffé. La vision
de ce que l'on est doit être objective, sans parti pris, si on la veut sincère
et intégrale : nous sommes en présence d'un uni- vers qu'il nous faut explorer
dans ses moindres détails, qu'il faut connaître dans ses éléments les plus
infimes, les plus obscurs, avec l'attitude scientifique de la parfaite
impersonnalité mentale, c'est-à-dire sans aucun a priori.
Quoi que l'on puisse penser, ce travail d'observation,
d'analyse, d'introspection, n'est jamais achevé. En tout cas, tant que nous
sommes sur terre dans un corps physique, il nous faut toujours étudier l'être
infiniment complexe que nous sommes afin qu'aucun élément ne puisse échapper à
notre connaissance et par conséquent à notre contrôle : car on ne peut être
maître que de ce que l'on connaît et l'on ne peut disposer que de ce dont on est
maître.
Ceci nous amène au second mouvement qui doit exister
parallèlement, simultanément au premier. C'est la consécration, l'abandon
constant et constamment répété de tous les éléments soumis à notre contrôle, à la Suprême, à la Divine
Loi.
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Chaque élément qui a pris conscience de lui-même, chaque
tendance, chaque faculté doit s'abandonner à la Souveraine Direction de
l'Essence Éternelle de l'Être, avec la simplicité confiante de l'enfant; et
c'est Elle qui ordonnera, classifiera, utilisera tous ces éléments comme ils
doivent l'être; c'est Elle et Elle seule qui peut faire le partage entre ce qui
est utilisable et ce qui ne l'est point, ce qui doit être encouragé ou supprimé;
et, sans doute, tout devant Elle étant d'égale valeur, tout peut être utilisé,
puisque tout par Elle est transformé, illuminé, transfiguré : tout ce qui prend
conscience d'Elle et se donne à Elle devient Elle-même et échappe ainsi aux
notions de bien et de mal qui sont purement extérieures et humaines.
L'un de ces mouvements, l'une de ces attitudes sans l'autre est
incomplète et bancale. Consacrer son être en bloc à l'Essence Suprême n'est pas
suffisant : tous les éléments que l'on ignore et dont on n'est pas maître
échappent à cette consécration, suivent donc leur loi propre au lieu de se
conformer à la Loi Éternelle, et deviennent la source de tous les troubles,
toutes les révoltes inattendues chez celui qui se croyait pourtant entièrement
le serviteur de la Loi. Mais il oubliait tous les coins ignorés de son être qui
ont droit, eux aussi, à la vie et à l'activité, et qui se manifestent à leur
tour, mais dans une activité désordonnée et désharmonique par rapport à
l'ensemble de l'être, puisqu'ils ont échappé à la volonté centrale.
D'autre part, prendre conscience de soi dans ses moindres
détails est vain et stérile, dangereux même, si cette prise de conscience n'est
pas faite dans un but d'ordre, afin de rendre l'Essence Divine maîtresse
toute-puissante de tous ces éléments, si l'on n'obtient pas qu'ils s'abandonnent
sans restriction à Sa Suprême Direction, à Sa Loi Souveraine.
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C'est seulement dans l'union équilibrée de ces deux attitudes
que l'on peut se dire véritablement, intégrale- ment, Serviteur de l'Éternel.
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